Pénurie de chauffeurs routiers : comment trouver enfin une solution ?
- 11/01/23
- 4 min
Depuis plusieurs années déjà, le problème de la pénurie de chauffeurs routiers se pose avec acuité aux professionnels du transport. Le métier manque manifestement d’attractivité, mais sans doute parce que la filière n’a pas réussi à le revaloriser dans sa dimension moderne. Suggestions.
La pénurie de main-d’œuvre qualifiée de chauffeurs de poids lourds s’est installée en toile de fond du secteur des transports en Europe depuis des années et 2020 ne vient pas inverser la tendance. Ainsi, avant même l’explosion de la crise sanitaire et ses conséquences économiques encore difficiles à quantifier, l’IRU (International Road Transport Union) avait exposé le scénario d’une aggravation de la pénurie de chauffeurs cette année. Selon plusieurs observateurs, la Covid va encore accentuer le phénomène.
La pénurie globale de chauffeurs passera de 23 % en 2019 à 36 % cette année (source IRU). Cette tendance se confirme ainsi dans de nombreux pays européens. Ainsi, dans le même intervalle, la pénurie passera de 22 % à 37 % en Pologne et de 50 % à 62 % en Roumanie. L’organisme allemand Fair Truck a établi un chiffrage qui évoque 150 000 postes à pourvoir à l’horizon de 2022 ! En France, l’Association de formation professionnelle du transport avance un chiffre de 42 000 postes non pourvus aujourd’hui.
Pénurie de chauffeurs, un enjeu d’attractivité
Les raisons de la pénurie de personnel sont connues, mais restent difficiles à battre en brèche. Au premier chef, la pénibilité perçue du métier peut éloigner les candidats (horaires, dont le travail de nuit parfois, stress lié au respect des délais et des demandes des clients, dimension physique du poste dans les zones de chargement-déchargement…).
Pour le transport de moyenne et longue distance, l’éloignement du domicile peut également être cité parmi les points bloquants dans le choix de cette carrière et la difficulté à concilier vie professionnelle et vie de famille. En outre, l’image de la profession souffre d’une image plutôt négative. Lors de l’épisode du confinement en Europe, force a été de constater que la communication sur les chauffeurs « héros » sentinelles de la fameuse « première ligne », n’avait pas vraiment pris, alors que l’argumentaire était fondé, notamment sous l’angle de la sécurisation des approvisionnements.
Enfin, le niveau des rémunérations est jugé peu attractif : le salaire moyen d’un chauffeur poids-lourd en Europe se situe aux alentours de 2 000 euros.
Penser multi-solutions pour faire évoluer la situation
Pour remédier à cette situation devenant de plus en plus pressante, envisager plusieurs remèdes et croiser les solutions devient essentiel. Premier axe, revaloriser l’image de la profession et mieux communiquer sur sa réalité. Certaines images d’Epinal ont la peau dure alors que la sécurité et le confort des véhicules ont fait des progrès considérables. Les camions sont désormais mieux équipés ; c’est le cas dans les cabines, par exemple pour l’espace dédié au couchage. L’activité s’est progressivement automatisée, tendant vers des charges de marchandises moins contraignantes également. On note aussi que des efforts importants de sécurisation des aires de repos ont été apportés, et ce depuis plusieurs années déjà. Enfin, les routiers sont désormais au carrefour entre la logistique, la relation client et l’optimisation de flotte puisqu’ils manient des datas et de nombreuses perspectives d’évolution de carrière se sont renforcées (manager de pool, formateur, fonctions de gestion de parc…).
Une autre solution de court à moyen terme consisterait à ajuster le recrutement. On estime que seulement 3 à 4% des chauffeurs en Europe sont des femmes. D’autre part, l’âge moyen des conducteurs de poids-lourds se situe autour de la quarantaine, donnée qui suffit presque à elle seule pour expliquer la pénurie de chauffeurs, accélérée par les départs à la retraite. Adapter ses campagnes de recrutement pour toucher davantage les femmes et les tranches d’âges plus jeunes pourrait se révéler un pari gagnant. Une démarche qui avait déjà porté ses fruits aux Etats-Unis.
Enfin, il conviendrait d’envisager des solutions complémentaires. L’autonomisation des véhicules fait actuellement des progrès et le secteur des poids lourds est aux avant-postes. La pénurie de personnel serait temporairement solutionnée et des dispositifs de pooling et de platooning pourraient se déployer. A nuancer par le fait qu’on parle plutôt de moyen terme et que le coût des camions autonomes reste élevé.